Laisser sa marque : Yang Shi

Pour souligner l’apport de celles qui innovent quotidiennement et qui n’hésitent pas à enfreindre les règles, voici notre série de portraits sur nos leaders créatives.

C’est pas tous les jours qu’on rencontre quelqu’un comme Yang Shi. Il y a quelque chose d’énigmatique et de singulier dans cette femme curieuse et déterminée à découvrir le monde et ses secrets. Chez Sid Lee, Yang élabore des concepts et écrit des histoires pour des clients comme Hyundai Motor Company, le PNUD, la Fondation Ellen MacArthur, la Fondation Cœur et AVC et The Belong Effect. En plus de la conception-rédaction, sa créativité s’exprime par la photographie, la direction artistique en mode, la musique et même la science.


Voici le parcours sinueux qui a mené Yang Shi à laisser sa marque.



Née à Zhengzhou, en Chine, Yang a immigré à Montréal avec ses parents à l’âge de 7 ans. Elle se décrit comme une enfant gênée, mais intriguée, qui a rapidement réalisé qu’elle allait devoir faire preuve de débrouillardise pour s’épanouir dans son nouvel univers. « Mes parents m’ont apporté un énorme soutien, explique-t-elle, mais ils ne pouvaient pas tout m’apprendre dans une nouvelle langue. Chaque jour après l’école, j’allais cogner à la porte d’Hélène, une voisine québécoise, pour qu’elle m’aide à faire mes devoirs. »

Au cours de notre conversation, Yang revient souvent sur les premières années de sa famille au Canada. Les traits de caractère qui lui ont permis d’avoir du succès sur le plan créatif — l’ingéniosité, la curiosité et la résilience — découlent de son expérience comme immigrante. Vers la fin de son adolescence, Yang travaillait au Centre communautaire de la Côte-des-Neiges et organisait des activités pour les nouveaux arrivants dans les parcs. C’était un peu sa façon d’aider sa communauté.

À l’école secondaire, Yang a suivi le programme international, puis s’est inscrite au baccalauréat de quatre ans en psychologie et neuroscience à McGill. Selon elle, la science est une facette de l’art, c’est justement ça qui l’a transformée en une créative à part entière. « Encore aujourd’hui, j’applique tout ce que j’ai appris à l’école dans mon travail. Comme la façon dont notre cerveau fonctionne et comment on se sent quand on est “dans la zone”. »


Après ses études, Yang a travaillé comme mannequin et comme directrice artistique tout en donnant un coup de main au laboratoire du Centre de recherche Douglas. Même avec son agenda bien rempli, elle avait le sentiment qu’il lui manquait quelque chose. Lors de soirées, elle et ses ami.e.s d’origine asiatique revenaient souvent sur le manque de représentation et leur désir d’appartenir à une communauté à Montréal. De fil en aiguille, ces conversations ont mené à la création d’un magazine virtuel, Sticky Rice, qui met en vedette le travail de Canadiens et Canadiennes d’origine asiatique.

« Quand j’étais jeune, la communauté asiatique était invisible. La représentation, c’est quelque chose qui peut être tellement puissant. Parfois, il suffit de le voir pour y croire. » Yang cite Virgil Abloh comme sa plus grande source d’inspiration. C’est quelqu’un qui a eu un impact énorme comme ambassadeur de sa communauté et qui a marqué l’industrie de la mode.

Quels sont les conseils que Yang donnerait aux étoiles montantes? Comment les personnes autochtones, noires et de couleur et celles qui s’identifient comme des femmes peuvent-elles s’épanouir dans un scénario semblable? Voici ce qu’elle avait à dire.


« Pour protéger son énergie créative, il faut parfois savoir mettre ses limites. C’est important de trouver des gens qui nous amènent à nous dépasser, mais qui peuvent aussi nous élever. Trouvez des allié.e.s comme Hélène! Et surtout, faites preuve d’empathie et de générosité. En psychologie, on dit “neurons that fire together wire together”. Bref, plus on fait preuve de bonté et d’empathie, plus ça devient des automatismes. »

Bien évidemment, l’histoire de Yang dépasse largement le cadre de cet article, et c’est un autre exemple montrant qu’il est impossible de décrire les humains en leur apposant des étiquettes. On est tellement plus que la somme de nos accomplissements et de nos intérêts. Le parcours de Yang est impressionnant, mais ce qui en ressort c’est sa persévérance et sa grande humanité. Et c’est quelque chose qui peut nous inspirer tous et toutes.


Campagne des fêtes pour Goodee - photographie et scénographie par JG+SHI